Le registre du et de la chez les traducteurs de Spinoza

⇒ article plaisir [5].

On trouve dans le texte latin de l'Éthique (part. III, prop. 11, sc. 1, et prop. 18, sc. 2) la gradation descendante suivante : et Ce dernier vocable, que assimile à l' (avec le sens d'allégresse), correspond chez au « chatouillement des sens », dont il dit qu'il « est suivi de si près par la joie […] que la plupart des hommes ne les distinguent point » (Passions de l'âme, § 94). Or, les Allemands, pour lesquels, selon le Wörterbuch de Ritter, die Lust désigne non le simple sentiment de plaisir, mais plutôt celui de joie, traduisent aussi par ce mot de la laetitia spinoziste, tandis qu'ils rendent le mot, plus fort, de gaudium par

De leur côté, les Français traduisent généralement laetitia par le mot cartésien de «   » et titillatio par «   » et, plus précisément, « plaisir local » ou «   ». Mais il leur est alors plus difficile de rendre gaudium : opte pour «   » et pour «   », de même que et tandis que qui y voit une « passion joyeuse », préfère «   ». Le problème pour les traducteurs allemands, qui ont pu rendre de façon satisfaisante laetitia/gaudium par Lust/Freude est donc de traduire le terme inférieur de la gradation, titillatio, tandis qu'en français, si l'on estime avoir traduit correctement titillatio par « plaisir » et laetitia par « joie », on semble manquer de ressources pour gaudium.

Charles Baladier

© Le Seuil / Dictionnaires le Robert, 2019.