La définition du chez

⇒ article goût [1].

Chez le renvoie à une faculté de « juger sainement » qui se rapproche de l' sans se confondre véritablement avec lui. Comme et tant d'autres de ses contemporains, La Rochefoucauld fait du goût une forme spécifique de qui ne consiste pas en un acte purement intellectuel, mais qui n'est pas non plus réductible aux affects ni surtout à un sentiment tel que le au sens où l'entend le XVIIIe siècle. Plus précis et opératoire que « l'  » de il est central dans les relations à autrui ou aux œuvres d'art, bien que la logique qui constitue ce mode d'évaluation ne puisse être analysée que par une description.

La définition que La Rochefoucauld donne du goût est en quelque sorte paradigmatique :

« Ce terme de goût a diverses significations, et il est aisé de s'y méprendre. Il y a différence entre le goût qui nous porte vers les choses et le goût qui nous en fait connaître et discerner les qualités en s'attachant aux règles : on peut aimer la comédie sans avoir le goût assez fin et assez délicat pour en bien juger et on peut avoir le goût assez bon pour bien juger de la comédie sans l'aimer » (Maximes et Réflexions diverses, Du goût, § 10, Gallimard, « La Pléiade », 1957, p. 520).

S'il est possible de « bien juger d'une comédie sans l'aimer », c'est qu'il existe une faculté d'évaluation capable de distinguer avec une lucidité plus grande que celle de la plupart des hommes les qualités artistiques ou esthétiques d'une œuvre. Cela suppose donc qu'il y ait des qualités singulières et exceptionnelles inhérentes à une œuvre et un pouvoir d'évaluation particulièrement clairvoyant qu'on nomme le goût.

Jean-François Groulier

© Le Seuil / Dictionnaires le Robert, 2019.