romantique  [français]

all.
angl.
→  baroque, classique, description, Dichtung, imagination, mimêsis

Apparu pour la première fois en Angleterre sous la forme en 1650, le terme s'implante sous la forme vers 1700 dans le vocabulaire allemand, où il connaît à partir de 1760 une très large vogue. fait son entrée dans la langue française en 1776, adopté bientôt par . Le mot doit cette homogénéité morphologique à une commune racine latine. Les termes romantic/romantisch/romantique proviennent en effet tous de l'ancien français « roman » (ou « romanz ») qui désigne tout à la fois un genre littéraire et un mode linguistique singuliers : un récit versifié en langue romane, c'est-à-dire en langue vulgaire, par opposition au latin. Mais cette homogénéité s'arrête au plan formel. Chaque passage dans une nouvelle langue a donné lieu à d'importants déplacements de sens. Dans sa forme anglaise première, le terme est essentiellement doté d'une signification esthétique. Romantic est proche de romanesque ou de pittoresque, et engage par là une interprétation particulière du principe de . Lors de sa seconde vague de diffusion en Allemagne à la fin du XVIIIe siècle, il s'adjoint un nouveau sens, historique et critique. Romantisch renvoie non seulement à et à , mais désigne également une ère culturelle, le Moyen Âge et la Renaissance, un exercice intellectuel spécifique ( ) et bientôt une école littéraire ( ). Le mot sort curieusement insaisissable de ces multiples pérégrinations européennes, ce qui explique peut-être les réticences de la France à l'adopter au début du XIXe siècle.

I. Comme dans un roman

A. «   », «   » et genre romanesque

Depuis sa forme médiévale, nourrie de légende arthurienne (roman courtois, roman de chevalerie) jusqu'au XVIIe siècle (L'Astrée d' ), le français « roman » désigne un genre merveilleux, proche de la fable. De cette matrice sémantique, le mot anglais , apparu vers 1650, a hérité son sens premier : romanesque, c'est-à-dire inventé, imaginaire, fictif. S'il perd assez vite en Angleterre son lien explicite avec l'univers romanesque, le terme allemand le conserve au contraire très longtemps.

Présent dès les années 1700-1740 dans la première vague d'introduction du mot, notamment opérée depuis la Suisse par et , le doublet synonymique / se maintient jusqu'à la fin du siècle. , qui a joué un rôle central dans la diffusion du terme, emploie régulièrement l'un pour l'autre terme. Lié, donc, au genre fabuleux du roman, le mot en reflète aussi l'aléatoire popularité. À la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle, au moment où le roman est attaqué pour son excessive invraisemblance, les termes romantic/romantisch signifient majoritairement « chimérique, faux, controuvé », connotation négative qui disparaît au cours du XVIIIe siècle avec la réhabilitation des romans médiévaux et l'apparition de nouvelles formes romanesques.

B. Le regard romantique : la selon l'

Issu donc d'une sphère strictement littéraire, le mot n'a cependant pas tardé à être appliqué métaphoriquement à d'autres conditions d'expérience : la perception d'un paysage donné pour réel, l'expression d'un sentiment intime (contrée romantique, amour romantique), autant d'emplois qui, par leur déconcertante variété, semblent décourager tout effort de détermination précise. Cette étonnante diversité impose en vérité un déplacement de la définition depuis la sphère de l'objet vers celle du sujet. Est ce qui est perçu par le sujet comme semblable à un roman. Au cœur de la notion figure donc moins une qualité intrinsèque de l'objet qu'une qualité du regard porté sur cet objet. C'est ce qu'exprime dans Godwi (1800-1802) : « Le romantique est donc une lunette [Das Romantische ist also ein Perspectiv] » (vol. 2, p. 258). Si romantic/romantisch implique un rapport au sujet, il suppose en outre un rapport spécifique à l' et à la , plus exactement, un renversement strict du principe traditionnel de . Dans l'expérience romantique, la nature est perçue à travers le prisme de l'art (littérature ou peinture). Autrement dit, pour le regard romantique, ce n'est plus l'art qui imite la nature, mais la nature qui imite l'art.

C'est ce mécanisme qui explique l'application précoce du terme à un domaine privilégié : le . Dès son apparition en Angleterre dans la seconde moitié du XVIIe siècle, sert fréquemment à définir des paysages qui rappellent tantôt un roman, tantôt un tableau. Très répandu chez les théoriciens anglais de l'esthétique ( , ) ainsi que dans les récits de voyage du XVIIIe siècle, cet emploi gagne bientôt l'Allemagne, où il reste vivace très longtemps. , , , y recourent de façon consciente. On peut lire par exemple dans Les Souffrances du jeune Werther :

« Quelle joie lorsqu'au début de notre relation, nous découvrîmes notre inclination commune pour ce site, l'un des plus romantiques véritablement que l'art ait jamais produit à mes yeux [Wie freuten wir uns als wir im Anfang unserer Bekanntschaft die wechselseitige Neigung zu diesem Plätzchen entdeckten, das wahrhaftig eins von den romantischsten ist, die ich von der Kunst hervorgebracht gesehen habe] » (livre I, lettre du 10 septembre).

C. Un modèle pictural : le

De ce lien avec l'art, l'adjectif a tiré un rapport privilégié avec la peinture. Plus encore qu'à des réminiscences littéraires, c'est à des tableaux que se réfère l'expérience romantique. / signifie très souvent / . Le Lorrain, Nicolas Poussin, G. Dughet et surtout S. Rosa sont couramment cités comme modèles sous-jacents à la perception d'un paysage réel. Ainsi une contrée escarpée de Nouvelle-Zélande rappelle-t-elle à une toile de , tout comme retrouve ce peintre dans quelque paysage tourmenté des Alpes. Rien d'étonnant, donc, à ce que la fortune du mot, qui ne cesse de croître tout au long du XVIIIe siècle, coïncide avec la mode du jardin anglais. Tout comme le terme romantic/romantisch, le repose en effet sur un renversement du concept traditionnel de mimesis : il s'agit d'organiser la comme un , pictural ou littéraire, tout en cachant le plus possible les traces de cette intervention. Les grands théoriciens du jardin anglais ( , , ) ont d'ailleurs fait un large usage du terme romantic. À leur suite, recommande, pour rendre un jardin «   », d'y placer des rochers en référence aux toiles de S. Rosa ou encore des inscriptions poétiques et des tableaux dans les grottes qui l'ornent (Theorie der Gartenkunst, 1779-1785). L'expérience du paysage romantique ne se comprend pas sans ce substrat, explicite ou implicite, de références littéraires et picturales.

II. Une notion d'histoire culturelle

De sa relation matricielle au , / n'a pas seulement tiré une signification esthétique, mais aussi une acception historique et culturelle. Le roman désignant un genre littéraire ancien, l'adjectif qui en dérive désigne la période chronologique qui l'a vu naître et s'épanouir : le Moyen Âge et la Renaissance.

C'est à que l'on doit l'apparition de cette signification dans les années 1760, notamment formulée à travers la notion de , poésie médiévale liée à des composantes culturelles singulières (tradition chrétienne, univers gothique, etc.). Si cette acception historique apparaît pour la première fois en Angleterre, c'est en réalité en Allemagne qu'elle s'implante et se développe durablement. Tout se passe comme si, lors de la grande vague de diffusion du mot dans le dernier tiers du XVIIIe siècle, l'Allemagne avait tiré vers l'histoire culturelle une notion jusqu'alors majoritairement réservée au domaine littéraire et esthétique en Angleterre. Dans cette mutation, a joué, à côté de , un rôle central. Dès les années 1760, il recourt fréquemment aux expressions romantische Taten (actes romantiques), romantischer Charakter (caractère romantique) ou encore romantischer Fabelgeist (esprit romantique de la fable) pour définir la quintessence de l'époque romantique. Une chose frappe cependant dans cet usage du mot : sa grande imprécision. Sous la catégorie romantisch, Herder range indistinctement le Moyen Âge et la Renaissance, ou encore les Ecossais, les Normands, les Arabes et les Provençaux. Si l'ère romantique possède ainsi des limites chronologiques et géographiques très fluctuantes, elle présente néanmoins une constante : son opposition à l'Antiquité et au classicisme moderne. Lointain avatar de la , l'antithèse / ou / devient structurante dans l'Allemagne de la fin du XVIIIe siècle. Dans son essai Von Ähnlichkeit der mittlern englischen und deutschen Dichtkunst (1777) [Sur la similitude de la poésie médiévale anglaise et allemande], Herder oppose ainsi la liberté des ballades et des romances médiévales, ces formes romantiques injustement tombées dans l'oubli, à la régularité du mètre antique, caricaturée à l'époque moderne dans le vers classique français (éd. B. Suphan, vol. 9, p. 522 sq.).

III. Discipline critique

Utilisé par dans un sens essentiellement esthétique et historique, le terme se dote avec d'une autre dimension encore. Il devient pour lui, et pour toute une génération d'écrivains, un concept général désignant un mode particulier d'appréhension du monde, un exercice intellectuel.

En plus des emplois traditionnels, très présents dans ses textes, Novalis forge en 1797-1798 une série de mots qui confèrent à leur racine, romantisch, un sens nouveau. Le premier d'entre eux, , désigne un processus de du monde :

« Le monde doit être romantisé. […] Cette opération est encore totalement inconnue. En conférant aux choses secrètes une haute signification, au quotidien un mystérieux prestige, au connu la dignité de l'inconnu, au fini l'apparence de l'infini, je les romantise [Die Welt muß romantisiert werden. […] Diese Operation ist noch ganz unbekannt. Indem ich dem Geheimen einen hohen Sinn, dem Gewöhnlichen ein geheimnisvolles Ansehn, dem Bekannten die Würde des Unbekannten, dem Endlichen einen unendlichen Schein gebe, so romantisiere ich es] » (Fragmente und Studien, 1797-1798, vol. 2, sect. 4, nº 105).

Ainsi investi d'une dimension critique très générale, le mot romantisch désigne bientôt une discipline ou une science, qualifiée de par analogie avec d'autres champs du savoir (Physik, Mathematik, Grammatik, etc.). De même qu'il existe un Physiker ou un Grammatiker, il existe un Romantiker. L'objet de cette nouvelle discipline est la , ou encore, ce qui revient au même, le roman car « nous vivons dans un colossal roman [Wir leben in einem kolossalen Roman] » :

« La vie ressemble aux couleurs, aux sons, aux forces. Le romantique étudie la vie comme le peintre, le musicien et le spécialiste de mécanique étudient la couleur, le son, les forces [Das Leben ist etwas, wie Farben, Töne und Kraft. Der Romantiker studiert das Leben, wie der Maler, Musiker und Mechaniker Farbe, Ton und Kraft] » (Aus dem Allgemeinen Brouillon, 1798-1799, vol. 3, sect. 9, n° 853 et n° 1073).

Le est pour Novalis celui qui parvient à vivre sa vie comme un roman, c'est-à-dire poétiquement (Fragmente und Studien, 1797-1798, n° 188). Diffusés grâce à l'édition des œuvres de par et (1802), ces néologismes n'ont pas tardé à entrer dans l'usage de nombreux écrivains.

IV. Superposition des sens

A. L'universalisation de «   » :

Loin de s'exclure, ces diverses acceptions historique et critique n'ont cessé de s'entrecroiser, conférant au mot une densité singulière autour de 1800. Au confluent de ces traditions sémantiques figure . Parti de , mais grand lecteur de , il a apporté à la définition du mot une contribution centrale. Dans son essai Über das Studium der griechischen Poesie [De l'étude de la poésie grecque], rédigé en 1795, il oppose comme Herder, mais dans un sens très favorable aux Anciens, la poésie antique, belle, objective, naturelle, cyclique et finie, à la poésie romantique, infinie, subjective, artificielle, progressive et parfois mêlée de laideur. Encore très critique envers l'ère romantique, c'est-à-dire , son jugement s'inverse cependant dans les textes ultérieurs. Dans les fragments de l'Athenäum (1798), l'infinie progressivité de la poésie romantique est désormais présentée comme un privilège de la modernité, supérieure en cela à l'Antiquité, qui reste inéluctablement prisonnière d'un cycle d'apothéose et de déclin. Dans la tradition herdérienne, donc, Schlegel fait de ce terme une notion clef d'histoire culturelle (romantisch désigne la culture du Moyen Âge et de la Renaissance) en même temps qu'une composante du couple antinomique Antiquité/modernité. Mais il n'a pas tardé à lui conférer une acception beaucoup plus vaste. Lié, certes, à la littérature du XIIe-XVIe siècle, le concept de poésie romantique inclut bientôt chez lui des œuvres contemporaines (Les Années d'apprentissage de Wilhelm Meister de , Franz Sternbalds Wanderungen [Les pérégrinations de Franz Sternbald] de ), s'étend aux auteurs anciens ( , , , et ), pour regrouper même tous les genres littéraires existants. À la fin de ce parcours, désigne ni plus ni moins l'essence même de toute activité poétique. Le terme se dote d'une signification véritablement universelle, dans laquelle s'abolissent toutes les antinomies antérieures : celle, herdérienne, de l'Antiquité et de la modernité, celle de la prose et du vers, celle du roman et de la . C'est ce qu'exprime le fragment 116 de l'Athenäum :

« La poésie romantique est une [ ]. Elle n'est pas seulement destinée à réunir tous les genres séparés de la poésie et à faire se toucher poésie, philosophie et rhétorique. Elle veut et doit aussi tantôt mêler et tantôt fondre ensemble poésie et prose, génialité et critique, [Kunstpoesie] et [Naturpoesie], rendre la poésie vivante et sociale, la société et la vie poétiques, poétiser le Witz […]. Elle embrasse tout ce qui est poétique, depuis le plus grand système de l'art qui en contient à son tour plusieurs autres, jusqu'au soupir, au baiser que l'enfant poète exhale dans un chant sans art. […] Elle seule, pareille à l' peut devenir miroir du monde environnant, image de l'époque. […] Le genre poétique romantique est le seul qui soit plus qu'un genre, et soit en quelque sorte l'art même de la poésie : car en un certain sens toute poésie est ou doit être romantique » (trad. fr. P. Lacoue-Labarthe et J.-L. Nancy, in L'Absolu littéraire, p. 112).

C'est dans cette acception schlegélienne, saturée de significations diverses, que le mot se répand à partir de 1800. De cette superposition de sens, le Cours préparatoire d'esthétique de (Vorschule der Ästhetik, 1804, § 22) fournit un surprenant exemple. Dans la tradition herdérienne, romantisch s'applique de préférence selon Jean Paul à l'ère médiévale et chrétienne par opposition à l'Antiquité, mais n'exclut nullement la grécité de son champ. Il désigne en outre, dans la tradition anglaise, un paysage aux qualités romanesques ou picturales, mais définit aussi un mode d'appréhension du monde, selon l'acception de . Enfin, romantisch renvoie conjointement, dans la tradition schlegélienne, à l'essence même de la poésie.

B. Une école «   » ?

À ces multiples significations vient s'en ajouter une autre dans les premières décennies du XIXe siècle. Devenu un terme d'usage courant pour toute une génération d'écrivains (les frères Schlegel, Tieck, Novalis, Brentano, Eichendorff, etc.), a fini par désigner leur groupe. Il faut souligner ici que l'emploi de l'adjectif, appliqué à cette école encore toute récente, est en réalité fort polémique. Il émane le plus souvent du camp adverse, c'est-à-dire des «   » regroupés autour de , ou encore de et de , qui entament à partir de 1800 une campagne très virulente contre le groupe des . En termes d'histoire littéraire, le mot romantisch sort donc singulièrement équivoque de ces multiples mutations. Au début du XIXe siècle, il désigne en Allemagne tantôt, dans un sens très large, toute la production poétique de l'humanité depuis l'Antiquité, tantôt la littérature du Moyen Âge et de la Renaissance, tantôt la littérature de l'époque moderne jusqu'au XIXe siècle, ou encore, enfin, une école contemporaine, née à l'extrême fin du XVIIIe siècle.

V. L'importation en France

A. Entre Angleterre et France : «   » / «   »

Ce sont sans doute ces multiples ambiguïtés qui expliquent les réticences de la France à adopter le mot. «   » n'apparaît qu'en 1776 dans l'introduction de P. Letourneur à une traduction de , puis dans l'essai du De la composition de paysage, daté de 1777.

Dans les deux cas, c'est en référence directe à l'acception anglaise que l'adjectif est adopté. entérine cet emprunt dans la cinquième promenade des Rêveries du promeneur solitaire (1782) en évoquant les rives du lac de Bienne « plus sauvages et romantiques que celles du lac de Genève ». Malgré les assurances de Letourneur, qui cherchait à justifier l'invention du mot par sa différence radicale d'avec , l'adjectif a beaucoup de mal à s'imposer contre son rival. Dans l'Encyclopédie méthodique de 1791 ou encore dans le Dictionnaire de l'Académie française de 1798, il ne figure que comme doublet anglicisé de romanesque, employé notamment en rapport avec le , dans le sens de « semblable à un roman » ou, par extension, de «   ». Rousseau lui-même, quelques pages après l'avoir employé, parle de « romanesques rivages ». Si le mot romantique trouve certes des adeptes ( , , ), il semble qu'il ne soit guère perçu comme réellement français jusque dans les premières années du XIXe siècle.

B. Entre Allemagne et France : «   » / «   » ou « médiéval »

La première vague anglaise de diffusion s'étant heurtée à quelque résistance, la seconde vague allemande sera, elle, beaucoup plus déterminante, à la fois par son ampleur et par le déplacement de sens qu'elle opère : le mot passe d'une signification essentiellement esthétique et littéraire au domaine de l'histoire culturelle. C'est dans la définition d' qu'il s'implante ainsi en France, comme d'ailleurs dans toute l'Europe, notamment à la suite des leçons de Vienne sur l'art dramatique, traduites en français en 1814. Dans une paraphrase quelque peu simplifiée des réflexions de son frère, A.W. Schlegel rattache le concept de romantique à l'ère culturelle , inaugurée au Moyen Âge, marquée par la tradition chrétienne et caractérisée par une littérature infiniment progressive, ouverte au mélange des genres. L'ère romantique ne se comprend que comme antithèse de l'ère antique. Relayée par , cette acception historico-culturelle a en outre été complétée par , grand artisan de la médiation franco-allemande, qui relie doublement l'ère romantique à la langue et à la période . En l'absence d'adjectif usuel se rapportant au Moyen Âge, romantique signifie souvent « médiéval », au début du XIXe siècle. En 1810, Villers tente même d'importer une traduction directe du substantif allemand , sous forme de « la romantique », pour désigner la poésie médiévale et ses principaux caractères. Mais cette tentative échoue et l'adjectif reste longtemps sans forme substantive. Le terme «   », proposé par dans un décalque de l'italien (voir notamment Racine et Shakespeare, vol. 2, p. 113-121), ne rencontre guère d'écho : il disparaît de son lexique à partir de 1824. Paradoxalement, ce sont les adversaires de ce courant, et notamment les membres de l'Académie française, qui, dans leur volonté de discréditer cette esthétique, popularisent le mot «   » dans les années 1820. signifie d'abord un genre, fondé sur le modèle médiéval, puis, par extension, le mouvement contemporain qui s'en fait le défenseur (définition qui sera reprise par les historiens de la littérature). Dans la préface de Cromwell, peut utiliser le substantif sans peur d'être mal compris.

En Angleterre, en Allemagne et en France, l'usage actuellement dominant du mot ne porte guère de trace des trois sens originaux, esthétique, historique et critique. Cette foisonnante multitude s'est réduite à deux acceptions principales. Romantique renvoie majoritairement à un ensemble de thèmes assez vagues (mélancolie, mystère, imagination, etc.), ainsi que, dans une acception plus précise venue essentiellement des historiens de la littérature, au groupe des écrivains qui ont illustré ces thèmes entre la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle. Mais, là encore, les difficultés de traduction subsistent. , considéré par les historiens de la littérature allemande comme un adversaire virulent du romantisme, est communément rangé en France sous la bannière des romantiques allemands.

Élisabeth Décultot


Bibliographie

Baldensperger Fernand, « Romantique, ses analogues et ses équivalents. Tableau synoptique de 1650 à 1810 », Harvard Studies and Notes in Philology and Literature, n° 19, 1937, p. 13-105.

Brentano Clemens, Godwi oder das steinerne Bild der Mutter. Ein verwilderter Roman von Maria, in Werke, éd. F. Kemp, W. Frühwald et B. Gajek, t. 2, Munich, Hanser, 1963.

Eichner Hans (éd.), « Romantic » and its Cognates. The European History of a Word, Toronto, Buffal, University of Toronto Press, 1972.

Gotthard Helene et Ullmann Richard, Geschichte des Begriffes « Romantisch » in Deutschland, Berlin, Ebering, 1927.

Herder Johann Gottfried von, Der Ähnlichkeit der mittlern englischen und deutschen Dichtkunst, in Sämtliche Werke, éd. B. Suphan, Berlin, Weidmann, 1877-1913, t. 9, p. 522-535.

Immerwahr Raymond, Romantisch. Genese und Tradition einer Denkform, Francfort, Athenäum,1972.

Jauss Hans Robert, Literarische Tradition und gegenwärtiges Bewußtsein der Modernität [1965], in Literaturgeschichte als Provokation, Francfort, Suhrkamp, 1970, p. 11-66.

Jean Paul, Vorschule der Ästhetik, in Werke, éd. N. Miller, Munich, Hanser, 1959-1985, t. 5, p. 7-456; Cours préparatoire d'esthétique, trad. fr. A.-M. Lang et J.-L. Nancy, Lausanne, L'Âge d'homme, 1979.

Lacoue-Labarthe Philippe et Nancy Jean-Luc, L'Absolu littéraire. Théorie de la littérature du romantisme allemand, Seuil, 1978.

Lovejoy Arthur O., « The Meaning of “ Romantic ” in Early German Romanticism », Modern Language Notes, n° 31, 1916, p. 385-396, et n° 32, 1917, p. 65-77.

Novalis, Schriften, 5 vol., éd. P. Kluckhohn et R. Samuel, Stuttgart, Kohlhammer, 1960-1988; Œuvres complètes, 2 vol., éd. et trad. fr. A. Guerne, Gallimard, 1975.

Schlegel August Wilhelm, Cours de littérature dramatique, trad. fr. A.-A. Necker de Saussure, Paris, Genève, Paschoud, 1814.

Schlegel Friedrich, Über das Studium der griechischen Poesie, in Kritische Friedrich-Schlegel-Ausgabe, 35 vol., éd. E. Behler, Paderborn, Schöningh, 1958-, sect. 1, vol. 1, p. 217-367. —Athenäums-Fragmente, in Kritische Friedrich-Schlegel-Ausgabe, sect. 1, vol. 2, p. 165-255 (fr. 116, p. 182-183).

Stendhal, Racine et Shakespeare [1re éd. 1819], éd. P. Martino, Champion, 1925, t. 2.

© Le Seuil / Dictionnaires le Robert, 2019.